Posté par G. Ngoyo-Moussavou, le 28 janvier 2023
« (…) La loi mystérieuse des générations fait qu’elles sont décimées dans certaines périodes davantage que dans d’autres ». (Valéry Giscard d’Estaing dans « Le pouvoir et la vie »).
Par Ngoyo Moussavou
Je suis sous le choc émotionnel du décès, vendredi 20 janvier 2023, du ministre des Affaires étrangères Michaël Moussa Adamo. La triste nouvelle, qui m’a pris par surprise, m’a sidéré, dévasté. Comme une vieille bande magnétique défilant dans un magnétocassette, je remonte le fil du temps de notre relation. Michaël Moussa Adamo, qui vient de s’en aller, était mon ami intime, un frère, j’allais dire un Très Cher Frère. Nos trajectoires se croisent durant la décennie 1980. Nous étions tous les deux jeunes journalistes en herbe, lui à la RTG chaîne 2 de télévision nouvellement créée, et moi au quotidien national l’Union. Nos âges sont voisins et nos parcours seront, bien que par intervalles, quasiment identiques avec des fortunes diverses.
Le journalisme mène à tout à condition d’en sortir. J’ai toujours en mémoire cette phrase, empruntée au journaliste français Jules Janin, qu’aimait à me répéter Albert Yangari, journaliste émérite, qui fut mon directeur général à l’Union et à qui je dois de m’avoir mis le pied à l’étrier. Les destins de Michaël Moussa et moi-même se lient définitivement autour de la personne d'Ali Bongo, alors Haut représentant personnel du chef de l’Etat, Omar Bongo Ondimba, poste qu’il occupait au Palais Rénovation, sitôt rentré de ses études supérieures en France.
M. Ali, comme nous l’appelions à l’époque, est jeune et moderne, parfaitement bilingue, il parle couramment anglais avec un accent américain, c’est un cerveau supérieur, l’un des meilleurs esprits de sa génération, nous lui vouons beaucoup d’admiration. Il deviendra plus tard Président de la République, chef de l’Etat, prestigieux poste qu’il occupe toujours avec beaucoup de réussite et de maestria.
Mais revenons à cette période charnière entre le parti unique incarné par le PDG (Parti démocratique gabonais) et l’ouverture au multipartisme intégral. M. Ali fédère, avec la bénédiction de son illustre prédécesseur feu Omar Bongo Odimba, un certain nombre de jeunes gravitant à la Présidence de la République, pour fonder le courant des Rénovateurs du PDG, qui va rassembler au-delà du Palais Rénovation des jeunes cadres frais émoulus des universités françaises et d’ailleurs et les ambitions naissantes. Ayant déjà une collaboration de travail avec M. Ali, je suis coopté membre de droit du courant des Rénovateurs. Michaël Moussa au terme d’un long séjour aux USA, intégrera tout naturellement le groupe. Les Rénovateurs prendront une part active aux travaux de la conférence nationale des mois de mars et avril 1990, ouvrant définitivement la voie à la démocratie multipartite au Gabon.
La vie publique, surtout la vie politique dans laquelle le journalisme nous avait menés Michaël Moussa et moi-même, est jalonnée de succès et de frustrations. Les passages difficiles sont légions dans cet univers impitoyable de la politique. A des degrés divers nous en avions connu, nous avons souffert des intrigues, des calomnies et des coups bas des personnes mal intentionnées. Ambassadeur à Washington et moi à Paris, il me réveillait certaines nuits à trois heures du matin sans se soucier des décalages horaires pour en parler. Je lui rappelais que feu le Président Omar Bongo Ondimba nous avait formés pour donner le meilleur de nous-mêmes dans les tâches et les fonctions qui nous étaient confiées et que cela ne pouvait pas être accompli sans un minimum de sacrifices et un moral d’acier. Ces quelques mots bien dits semblaient lui redonner du peps, et nous passions très vite à une conversation de travail plus détendue sur des sujets d’actualités et les nouvelles de nos familles respectives.
Loin du pays natal et des siens, cette sensation d’être abandonné au bout du monde, alors qu’il n’en est rien, a tendance à gagner toute personne en mission de longue durée à l’étranger. J’ai moi-même connu ces moments de solitude, avec ce sentiment de flotter sans trouver la « cohérence personnelle indispensable » qui vous permet de chasser les mauvaises idées qui vous hantent loin du bled et des vôtres. Michaël et moi n’étions pas d’accord sur tout, mais notre amitié ne fut jamais heurtée par une quelconque animosité. La « sympathie d’homme à homme », pour paraphraser Jean Paul Sartre, que l’on se vouait réciproquement, était plus forte que nos sautes d’humeur passagères, cette sympathie est restée intacte malgré le poids des années qui ont raviné nos traits.
Altruiste dans l’âme, Michaël Moussa était un modèle de courage, mais surtout de fidélité et de loyauté, un homme entier, impliqué et humble au service du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba, tout au long de leur compagnonnage de près de 40 ans, et du Gabon. C’était un esprit clair capable de constructions brillantes. Je tenais à lui rendre hommage au moment où ont été célébrées mercredi 25 janvier, ses obsèques, tout en pensant à son épouse Brigitte et à leurs enfants. Je voulais saluer ses qualités humaines et d’homme public qui honorent notre pays, qui l’ont caractérisé tout au long de sa vie jusqu’à ce qu’il nous quitte. À jamais.
Qu’Allah lui accorde sa grande miséricorde.
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28/01/2023 à 06:31
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